C’est la folie furieuse.
L’état d’urgence est déclaré aux États-Unis. On crie haut et fort que le film Joker est une incitation à la violence et les forces de police sont mobilisées. On craint des actes de violence.
Vraiment?
Joker n’est pas un film sur le Joker. Joker est davantage un film sur la maladie mentale. Un film sur une société malade qui, au lieu de protéger les faibles, creuse et accentue les différences entre les pauvres et les riches. Un film sur Arthur Fleck, un désadapté social qui, malgré ses efforts pour entrer dans le moule de la société, en sera éjecté par de nombreux coups de pied au visage (au sens figuré et au sens littéral). En d’autres termes, comme de nombreuses personnes l’ont noté, Joker est le miroir de la société actuelle et c’est ça qui dérange, car Joker n’est pas plus violent que Suicide Squad ou Robocop, par exemple.
Joker n’est pas un film de super-héros ou de super-vilain. C’est un drame psychologique ouvertement inspiré des films américains des années 70-80, particulièrement par l’univers scorsesien, notamment Taxi Driver (c’est on ne peut plus clair dans le film). C’est l’évolution (ou plutôt la rétrogradation) psychologique d’un homme dont l’esprit, déjà fragile, flanche.
« J’ai eu une mauvaise journée. »
– Arthur Fleck
Ce qui frappe le plus dans ce chef-d’oeuvre, outre la performance magistrale de Joaquin Phoenix qui, de toute évidence, a un extrême respect pour le personnage, c’est l’authenticité de l’atmosphère qui règne. Rien n’est maquillé (!), fantaisiste ou fantastique (je pense particulièrement au Gotham de Batman Forever, qui est aux antipodes de celui de Todd Philips). Tout est empreint d’un réalisme foudroyant, des décors à la musique, appuyé par une réalisation parfaite et émotionnelle (nombreux sont les gros plans), et ça ne fait que souligner le reflet de la société que le film met en lumière.
Joaquin Phoenix a basé son rire sur « des vidéos de personnes souffrant de rire pathologique ».
Alors? Ledger ou Phoenix?
On ne peut pas répondre à cette question. Et pour tous les éléments mentionnés ci-haut, il est impossible de comparer les deux (Phoenix, bon ami de Ledger, a d’ailleurs bien spécifié qu’il ne voulait pas être comparé). Ledger était un Joker qui roulait sa bosse depuis un bon moment et était complètement perdu dans sa folie, extrêmement sombre et effrayant. Phoenix est Arthur Fleck, un homme timide, fragile mentalement, brisé qui n’aucune confiance en lui, jusqu’à ce que…
Vous devez aller voir ce film qui sera de toute évidence dans la course aux Oscars, ne serait-ce que pour la statuette du meilleur acteur et de la meilleure réalisation.
Photographies © 2019 – Warner Bros. Pictures